De l’évaluation en activité physique et en sports – Réflexion

INSEP – Travaux et recherches en E.P.S. – 1984

A tout moment de notre vie, chacune de nos conduites comporte sa part d’évaluation. Tour à tour, nous sommes évaluateurs ou évalués : l’enseignant et l’entraîneur évaluent les progrès des jeunes qui leur sont confiés, l’efficacité de leur travail est évaluée par l’institution, le médecin évalue l’état de notre santé… bref ! Le problème de l’évaluation ne peut être posé sans en préciser les limites, celles du champ dans lequel elle opère et les finalités qui les sous-tendent.

Vouloir évaluer l’homme dans sa motricité, c’est d’abord poser le problème de la mesure elle-même, de sa signification et de sa légitimité. La mesure n’est rien d’autre qu’un outil qui cependant s’articule aux objectifs d’ une méthode dont les finalités dépendent de la conception que nous avons de l’homme. A ce titre, il n’est pas question de légiférer, d’édicter une réponse unique ou de blâmer ceux qui la refusent.

Le problème des spécialistes de l’évaluation dépasse ce délicat dilemme et se pose avant tout en termes techniques. Proposer, voire fabriquer pour chacun, quel que soit son âge et le niveau de sa pratique ou de sa spécialisation, les moyens d’évaluer ses capacités motrices, afin de se mieux connaître pour mieux gérer son «capital moteur», constitue leur objectif essentiel.

A ce stade se posent d’autres questions : la mesure, dans la froideur de son verdict, peut-elle saisir toutes les nuances de l’infinie richesse motrice ? Par souci de rigueur , n’y a-t-il pas danger de réduire la motricité à sa seule corporéité ? Ce questionnement doit être permanent, et, afin de mettre en évidence facteurs à évaluer et outils d’évaluation correspondants, une réflexion préalable sur la motricité doit toujours l’accompagner.

La motricité humaine est-elle évaluable ?

En matière de motricité, beaucoup de choses ont déjà été dites ou écrites, peu ont été prouvées. Il est vrai que l’extrême richesse de ses formes d’expression ne se laisse que difficilement cerner par la mesure, ce qui peut expliquer l’abondance des modèles théoriques et la pauvreté de leurs contrôles pratiques. Cette inféodation constante de la pratique à la théorie amène l’étude de la motricité, érigée, comme d ‘aucuns le voudraient, en science, à des paradoxes et des controverses sans fin.

On ne peut à la fois revendiquer le statut de science et continuer de refuser la démarche expérimentale. La difficulté d’introduire la mesure ne doit pas constituer un obstacle rédhibitoire.

Longtemps la performance -prise ici dans son acception large – s’est vue conférer les vertus exorbitantes – et sécurisantes -de seule évaluation possible. Si, en effet, la performance en constitue un des critères objectifs (ou subjectifs), elle n ‘est en fait qu’une résultante. Elle ne peut que très indirectement nous renseigner sur les facteurs, et leurs inter-actions, qui l’ont induite. C’est pourtant vers eux que voudraient «remonter» le praticien et surtout le chercheur, pour mieux débusquer, comprendre, voire améliorer tout ce qui constitue l’harmonie cinétique du mouvement humain.

Que doit-on et que peut-on évaluer ?

Il serait présomptueux de vouloir, par le mot ou la phrase, définir l’extrême «mouvance» de la motricité. La définir n’est-il pas tenter de la limiter et de la fixer temporellement ? Peut-on aujourd’hui anticiper sur les surprises qu’inévitablement elle nous réservera demain ? Pouvait-on imaginer hier le niveau atteint par les prestations et les records de 1’homme d’aujourd’hui ? Échafauder des prospectives dans ce domaine semble être une gageure. Il est cependant possible d’établir le constat de l’intervention chronologique d’un continuum de phases qui, quel que soit l’acte moteur, demeure identique et en constitue le schéma directeur.

Par souci de clarification, nous avons décomposé ce dernier à l’extrême : une commande nerveuse qui sollicite certaines unités contractiles dont 1’action sur les leviers ostéoarticulaires engendre le mouvement. On ne peut bien sûr pas s’en tenir là. La commande nerveuse dépend soit de 1’état de vigilance des récepteurs de la sensibilité interoceptive, proprioceptive et extéroceptive, soit de !’«image motrice» façonnée par la pensée. Cette étape n’est pas neutre. Pour devenir sensation perçue, l’excitation· sensitive ou 1’image mentale subit le filtre de 1’histoire, de la motivation consciente ou inconsciente et de l’environnement physique, culturel et affectif du sujet. C’est donc par le jeu de l’image et de la sensation filtrée, qu’une seule réponse motrice (ou acte moteur) est donnée, lorsqu’il s’agit d’un réflexe inné ou conditionné, et qu’une infinité de réponses est possible, dès lors que le réseau cérébral est sollicité.

Dans cette dernière perspective, le cerveau, ce prodigieux chef d’orchestre électro-chimique, oriente la réponse possible en fonction des capacités physiques individuelles, des apprentissages antérieurs, de l’environnement matériel et affectif, des communications inter-individuelles et de la tâche spécifique dans laquelle le sujet est engagé. La motricité résultante (ou conduite motrice), par rétroaction, infléchit la réponse suivante, harmonise l’ensemble et permet l’anticipation.

  • Le secteur biomécanique
  • Une évaluation, comment ?
  • Analyse de la tâche et détermination d’une typologie des facteurs à évaluer
  • Choix ou création des outils d’évaluation les plus appropriés
  • Modélisation du recueil des variables évaluées
  • Traitement des informations recueillies
  • Synthèse et interprétation de l’ensemble des résultats

Au sujet de l'auteur

Georges Cazorla – Docteur en biologie de l’activité musculaire - Président de l’Aréaps. Je suis actuellement : - Conseiller scientifique et membre du Comité Scientifique du centre d’évaluation et de préparation physique Monstade (www.monstade.fr) - Membre de la Cellule Recherche de la Fédération Française de Football

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