Tests de terrain pour evaluer l’aptitude aérobie et utilisation de leurs résultats dans l’entrainement- Georges Cazorla – Laboratoire de Physiologie EA 518 & Laboratoire Évaluation Sport Santé et Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique – Université Victor Segalen Bordeaux 2 – Document complet au bas de cet article. Avant-propos
Les trois objectifs du présent article portent respectivement sur : 1) l’étude critique des tests de terrain susceptibles d’évaluer chacune des deux principales composantes de la capacité aérobie : la puissance aérobie maximale fonctionnelle (PAMF) et l’endurance aérobie(EA)2) les possibilités auxquelles la connaissance de la vitesse aérobie maximale (VAM) donne accès, et 3) les utilisations possibles des résultats des tests de terrain pour orienter et contrôler les intensités des exercices et de l’entraînement.
Quelques définitions préalables
Nous venons d’utiliser quatre concepts qui seront ensuite largement repris dans la présente étude, aussi, afin d’éviter toute éventuelle ambiguïté ou erreur d’interprétation il convient d’en proposer préalablement les définitions que nous leur attribuerons.
- La capacité aérobie représente la quantité totale d’énergie potentielle susceptible d’être fournie par voie oxydative. Comme elle dépend des réserves totales de substrats utilisables (ou «carburant » de l’organisme) : glycogène, glucose circulant, acides gras libres, voire même dans certaines circonstances, acides aminés… et bien sûr, de la totalité de l’oxygène (ou «comburant ») utilisé pour leur combustion, son évaluation directe est impossible. Par contre on peut indirectement en apprécier l’importance par l’évaluation de ses deux composantes que sont : la puissance maximale et l’endurance.
- La puissance aérobie maximale (P.A.M.) est la quantité maximale d’oxygène qu’un organisme peut utiliser par unité de temps (généralement par minute) au cours d’un exercice musculaire intense et d’une durée égale ou supérieure à quatre minutes. Elle correspond au VO2 max (V = débit ; O2 = oxygène ; max = maximal) ou consommation maximale d’oxygène.
- L’endurance aérobie (E.A.) est la fraction ou le pourcentage de VO2max ou de la P.A .M. ou encore de la vitesse aérobie maximale (V.A.M.) susceptible d’être maintenu au cours d’une épreuve d’une durée donnée. Par exemple courir pendant 12 min (test de Cooper) ou un 5000, un 10000, un 20000 m, un semi-marathon ou un marathon et calculer ensuite à quel pourcentage moyen de la V.A.M. correspond la performance réalisée. L’E.A. est aussi la durée d’une activité susceptible d’être maintenue à un pourcentage donnéde VO2max, de la P.A.M. ou de la V.A.M. Par exemple fixer un pourcentage de la V.A.M. (85, 90, 95 ou 100 %) et chronométrer la durée maintenue à cette vitesse.
Dans les deux cas, l’évaluation de l’endurance aérobie nécessite donc de connaître préala-blement la puissance aérobie maximale ou bien la vitesse aérobie maximale.
La vitesse aérobie maximale (V.A.M.) ou puissance aérobie maximale fonctionnelle (P.A.M.F.) est la vitesse limite atteinte à VO2 max. Elle résulte de l’interaction de trois fac-teurs : 1- de VO2max, 2- du rendement de la locomotion utilisée : course, cyclisme, natation…encore défini comme efficacité ou économie de locomotion utilisée et 3- de la motivation pour pouvoir l’atteindre VO2max au cours d’une épreuve intense et prolongée (figures 1 et 2).
L’économie de locomotion (de course, de nage, de pédalage…) représente l’énergie requise pour se déplacer à une vitesse donnée ou mieux, à un pourcentage donné de VO2max ou de la V.A.M. Le sujet le plus « économe » ou présentant le meilleur rendement sera celui qui dépensera le moins d’énergie pour se déplacer sur une distance donnée à une vitesse donnée.
1- Évaluation de la P.A.M. et de la V.A.M.
Depuis 1982, date à laquelle nous avons introduit en France les épreuves progressives de course permettant d’évaluer sur le terrain la puissance aérobie maximale fonctionnelle et d’extrapoler VO2max (Léger et Boucher, 1980 ; Léger et Lambert, 1982), à la très populaire épreuve de douze minutes de course et de marche de Cooper (1968) essentiellement utilisée jusqu’alors, se sont ajoutés de nombreux autres tests aux protocoles et aux objectifs plus ou moins proches. Devant cette abondance, nombreux sont les praticiens qui, aujourd’hui, s’interrogent avant de choisir le test correspondant le mieux à leur(s) besoin(s) et à leur(s) moyen(s). L’objet de notre présentation est d’abord, de tenter de les aider à établir leur choix en toute connaissance de causes et ensuite, de leur suggérer quelques utilisations possibles des résul-tats obtenus.
Pour ce faire, nous passerons préalablement chacune des épreuves les plus con-nues au tamis méthodologique constitué par quatre critères d’appréciation : la pertinence, la validité, la fidélité et l’accessibilité. Cette étude critique devrait permettre d’établir un clas-sement avant d’explorer deux pistes d’utilisation possible des résultats obtenus : l’une à partir de la référence principalement recherchée : la vitesse aérobie maximale (VAM), l’autre avec la relation vitesse-fréquence cardiaque (FC) issue d’une des épreuves retenues.
Étude critique de six tests
Nous avons écarté de notre étude deux tests dont la seule valeur est la facilité de leur mise en œuvre : le test des italiens Conconi et al., 1982 et, celui baptisé par ses auteurs français Cha-non et Stephan (1985) : « Control aerobic training » ou C.A.T. test. Par contre, leur niveau de validité et de fidélité, deux des critères majeurs de la fiabilité d’un test, n’ont pu résister aux critiques méthodologiques et aux expertises expérimentales (voir notamment Brue et Mont-mayeur, 1988 ; Léger 1988 ; Lacour et al., 1987 ; Cazorla, 1990 ; Jones et Doust, 1997). Six autres tests qui résistent à cette première critique font l’objet de la présente expertise. Il s’agit des tests : – de la plus grande distance parcourue en 12 min de Cooper,1968 : – progressif de course navette de Léger et Lambert (1982), – progressif de course sur grand terrain de Léger et Boucher (1980), – progressif Vam-éval de Cazorla et Léger (1993), – progressif de course derrière cycliste de Brue (1985), – progressif de course à paliers de 3 min, ou test de l’Université de Bordeaux 2 (TUB2, Cazorla 1990).
Niveau de pertinence
Le niveau de pertinence est dicté par l’objectif ou les objectifs que se fixe l’utilisateur d’un test donné. C’est d’ailleurs à cet endroit que l’on observe les plus grandes confusions, aussi faut-il se poser les bonnes questions relatives à ses utilisations possibles.
- S’agit-il d’établir un simple diagnostic initial sur le niveau de développement de la capacité aérobie ? Dans ce cas seul un indice de l’aptitude aérobie suffit et n’importe lequel des six tests précédents peut être retenu. Veut-on évaluer la puissance aérobie maximale d’un ou de plusieurs sujets ? Hormis le test de
Cooper, tous les autres le permettent avec cependant une meilleure validité obtenue avec les tests navette de 20 m de Léger et al. (1985). - S’agit-il encore d’obtenir une vitesse limite référence ou vitesse aérobie maximale (VAM) afin de mieux orienter et contrôler les intensités d’entraînement ? Dans ce cas un simple indice aérobie ne suffit plus. Ne disposant que d’un chronomètre et de distances, l’enseignant d’EPS, l’entraîneur et le sportif ont surtout besoin de références chronométriques pour élabo-rer les contenus de leurs entraînements. Plus que la connaissance de VO2max, c’est celle de la vitesse limite de course atteinte à VO2max ou vitesse aérobie maximale (VAM) qui leur est indispensable. A partir de cette vitesse, peuvent facilement être programmées les intensités et les durées optimales utiles de course et être connues leurs répercussions physiologiques. Les tests progressifs de course sur piste : Vam-éval, Léger et Boucher, Brue et TUB2 peuvent parfaitement répondre à ce type d’utilisation.
- S’agit-il enfin d’obtenir non seulement la VAM mais aussi d’explorer les vitesses intermé-diaires correspondant aux limites des mises en jeu métaboliques aérobie, anaérobie et mixte ainsi que les réponses cardiaques en état stable et au cours d’intervalles de récupération ? Dans ce cas le TUB2 permet de répondre à ces différents objectifs.