Georges CAZORLA : Masters Professionnels 1 & 2 « Ingénierie de l’entraînement » : Cours de physiologie et de méthodologie de l’exercice et de l’entraînement – 2004
INTRODUCTION
Comme toutes les cellules de notre organisme, la fibre musculaire :
– consomme du « carburant » pour produire de l’énergie,
utilise une partie de cette énergie pour fournir du travail,
– dissipe l’autre partie sous forme de chaleur,
– et transforme ou évacue les déchets résultants des combustions dont elle est le siège.
Le seul « carburant » utilisable par la cellule est l’adénosine triphosphate (figure1) ou plus simplement l’ATP dont la dégradation permet de fournir l’énergie nécessaire aux différentes formes de travail biologique.
Dans le cas de la fibre musculaire, la consommation de molécules d’ATP peut être considérablement augmentée au cours d’exercices intenses, or leur concentration est très faible : 4 à 6 millimoles par kilogramme de muscle frais (ce qui s’écrit 4 à 6 mmol/kg ou 5 à 6 mmol.kg-1 ou encore 4 à 6 mM.kg-1).
En considérant que la masse musculaire représente environ 40% de la masse totale du corps, pour un individu dont le poids est 80 kg, 32 kg de muscle bénéficient d’une réserve de 160 à 192 mmol d’ATP (ou respectivement entre 0.16 et 0.192 mole).Comme la dégradation d’une mole d’ATP libère 30.5 kilojoules (30.5 kJ) (3) dans des conditions standard ou 42 kJ dans les conditions biologiques soit entre 7 et 10 kilocalories (10 kcal) dont une partie (environ 1/5ème) est convertie en énergie mécanique et le reste en chaleur, le travail musculaire ne peut compter au total que sur une réserve de 1.3 à 1.6 kJ, soit à peine l’énergie nécessaire pour parcourir :
– 1 m à 1 m 20 à une vitesse de course de 10 m/s soit 10 s au 100 m,
– 2 m 60 à 3 m 50 à une vitesse de course de 7,1 m/s soit 3 min 32 s au 1 500 m,
– 3 m 50 à 4 m 20 à une vitesse de course de 6,3 m/s soit 13 min 13 s au 5 000 m,
– 4 m 15 à 5 m 10 à une vitesse de course de 5,6 m/s soit 2 h 10 au marathon,
– ou, 7 m 80 à 9 m 60 à une vitesse de marche de 1,11 m/s soit 4 km/h c’est-à-dire à une allure de promenade.
On peut donc en conclure que :
Bien que l’ATP soit la seule molécule capable de fournir directement au muscle l’énergie dont il a besoin pour se contracter et se relâcher, ses réserves s’avèrent insuffisantes pour répondre aux différents besoins du travail musculaire.
Comme au cours d’activités physiques, même très intenses, le niveau des réserves en ATP n’accuse qu’une discrète diminution en début d’exercice et tend à se stabiliser par la suite à des valeurs proches de la moitié de celle du repos, ceci implique que les molécules d’ATP sont synthétisées à mesure qu’elles sont dégradées.
Le fait que l’organisme ne dispose que de quelques dizaines de grammes d’adénosine pour fabriquer des dizaines de kilogrammes d’ATP par jour, signifie que le taux de renouvellement (encore appelé turn-over par les anglo-saxons) est très important.
Par comparaison, nous sommes dans le cas d’un circuit fermé qui ne contient que quelques litres d’eau mais qui peut en débiter des milliers par heure.
Quelles sont les fonctions de l’ATP ? Comment est formée la molécule d’ATP et d’où provient l’énergie qui alimente une «pompe» au débit aussi impressionnant ? Questions dont les réponses devraient permettre de mieux comprendre les métabolismes qui interviennent au cours de l’activité musculaire.
1- ROLE CENTRAL DE l’ATP DANS LES ECHANGES D’ENERGIE DE LA CELLULE .
L’adénosine triphosphate ou ATP est constituée par la combinaison d’un molécule organique d’adénine et d’une chaîne de 3 molécules d’acide phosphorique dont les deux dernières renferment des liaisons riches en énergie (figure 2). En présence d’une enzyme (1) qui catalyse la molécule d’ATP : l’enzyme ATPase, seule sa dégradation (en biologie on utilise aussi le terme de catabolisme) en adénosine diphosphate (perte d’un ion phosphate) et en adénosine mono-phosphate (perte de deux ions phosphate), peut libérer l’énergie nécessaire aux glissements des myofilaments d’actine et de myosine (équation 1) donc à la contraction, ce qui permet de fournir un travail musculaire encore appelé travail mécanique.
La consommation d’ATP est directement proportionnelle à la quantité d’énergie mécanique produite par le muscle. Pourtant seul le quart environ de l’énergie totale libérée par la segmentation de la molécule est utilisé dans l’action mécanique. Le reste est dissipé en chaleur. Au niveau cellulaire, l’énergie libérée par la dégradation de l’ATP peut être utilisée aussi à d’autres fins (figure 4), pour permettre notamment :
– le « pompage » des ions Na+, K+, Ca++… et le transport actif de certaines grosses molécules à travers les membranes cellulaires, transport membranaire appelé par extension : travail osmotique,
– la dégradation des grosses molécules complexes (ou macromolécules) comme les glucides, des protéines et des lipides permettant l’activité, l’entretien ou/et la croissance cellulaires et, en sens contraire, la synthèse de nouvelles macromolécules de glucides, lipides et protéines à partir de leurs produits (2). Dégradation et synthèse utilisent l’énergie sous forme de travail chimique,
– ainsi que de nombreuses autres formes de travail à l’échelle de l’organisme entier.
Cette opération qui consiste à dégrader une molécule (l’ATP par exemple) en ses produits (ADP, AMP et Pi ) est désignée sous le nom de catabolisme ou d’hydrolyse.
Inversement, la resynthèse encore appelée anabolisme de la molécule d’ATP a besoin d’énergie afin de reconstituer ses liaisons avec le ou les phosphate(s) antérieurement libéré(s). L’opération qui consiste à incorporer un radical phosphate à une molécule organique est désignée sous le nom de phosphorylation (figure 3).
L’ATP joue donc un rôle d’intermédiaire énergétique essentiel dans les différents systèmes de notre organisme. Energie dont il convient de bien connaître les grandes lois qui la régissent afin de mieux comprendre son rôle fondamental à l’échelle de notre organisme au cours de l’exercice musculaire.
Document entier :