Détection talents, sports, limites, tendances, méthodes – Georges CAZORLA – Cellule Recherche Fédération Française de Football – Consulter ou télécharger le document au bas de cet article.
Résumé
Souvent galvaudé, le concept « détection du talent » véhicule de nombreuses connotations quelques fois excessives, issues pour la plupart, plus d’a priori, voire de slogans, que d’une réelle réflexion préalable. La présente étude utilise plusieurs contenus de travaux que nous avions déjà menés avec d’autres fédérations sportives : natation, triathlon, rugby…
Son objet est, tour à tour d’analyser tant de façon théorique que pratique, les limites des approches habituellement utilisées mais aussi d’envisager de nouvelles perspectives et tendances. Celles-ci s’appuient de plus en plus actuellement sur une organisation permettant progressivement l’émergence, la formation puis l’éventuelle confirmation du talent. En aucune façon la détection ne peut se résumer en une seule opération reposant sur un pronostic à long terme et se fondant sur une approche déterministe.
Au contraire, selon le modèle que nous proposons, la détection s’inscrit dans un processus longitudinal permettant de mieux contrôler en amont l’importance des aptitudes du jeune et ensuite, la qualité du développement du niveau d’expertise et la vitesse d’acquisition des capacités jugées indispensables.
Objectifs à atteindre et pronostics sont donc envisagés à court ou à moyen terme et par étapes intermédiaires. Ils tiennent compte à la fois des besoins du sportif en devenir, de la vitesse de ses progrès et de la dynamique de sa motivation pour poursuivre de façon délibérée une pratique vers le haut niveau. Ces limites, tendances et perspectives s’appuient sur un exemple, celui qui pourrait être mis en œuvre en France par la plus importante Fédération Française, celle de Football
1 · INTRODUCTION
Dans la plupart des sports, accéder aux meilleures performances exige : une pratique de huit à douze années, des capacités de travail très importantes, des qualités physiques, techniques et mentales exceptionnelles et un environnement matériel, psychologique et social le plus favorable à leur plein épanouissement. Conséquence directe de ces exigences, la recherche de champions potentiels à un âge précoce est devenue dans de nombreux pays une préoccupation de plus en plus significative du sport de haut niveau au cours de ces vingt dernières années.
Bien que l’approche des vastes problèmes posés par la détection des talents ait beaucoup évolué en France, certaines Fédérations continuent de l’aborder avec une grande naïveté, fondant leurs démarches quelque fois sur de simples opérations ponctuelles ou, dans le meilleur des cas, sur un modèle souvent déterministe dont l’efficacité, lorsqu’elle est contrôlée, est loin d’être probante.
A l’opposé, au nom de la sacro-sainte liberté de choix et probablement à cause de la confusion que l’on peut souvent souligner entre les concepts « talent » et « don », d’aucuns rejettent en bloc l’idée même d’une détection des jeunes « talents ».
Il convient aussi de reconnaître que, faute de données rigoureusement contrôlées, d’expérimentations incontestables et d’études longitudinales sérieuses, les effets biologiques et psychologiques de l’entraînement sportif sur l’organisme et le comportement de l’enfant sont encore mal connus. Par un légitime réflexe de prudence, parents, éducateurs, médecins, psychologues sont naturellement amenés à protéger, voire à surprotéger l’enfant et à écarter de son environnement
tout ce qui, à leurs yeux, pourrait être préjudiciable à son devenir. Dans cette perspective, l’entraînement sportif précocement abordé devient suspect comme le sont ou le deviennent certaines opérations telles la « détection des talents » et ses corollaires « l’orientation et la sélection
sportives ».
Paradoxalement et pendant ce temps, le sport, l’entraînement et la compétition continuent d’attirer les jeunes à un âge de plus en plus précoce. On peut s’en féliciter, le déplorer, le critiquer mais c’est un fait, un constat que soulignent toutes les statistiques (14) et qu’une convergence de raisons peut
très bien expliquer. Aussi est-il urgent de dépasser a priori, clichés et idées toutes faites sur des problèmes aussi importants, auxquels à tout moment peuvent être confrontés enfants, parents, éducateurs et pédiatres.
Une analyse la plus objective possible sur les limites, sur les tendances et les éventuelles possibilités de la détection des talents s’impose donc. C’est là l’objet de la présente étude.
2. – LIMITES
Age précoce signifie âge auquel le jeune sportif en devenir va rencontrer au cours de sa croissance, de son développement et de sa maturation tant de situations aléatoires susceptibles de transformer radicalement ses différents intérêts et motivations, voire ses capacités, qu’un pronostic à long terme semble être une utopie. Dans le cas d’un pronostic, à l’extrémité serait la performance souhaitée. Souhaitée par qui ? Par l’enfant lui-même ? Il est permis d’en douter…Dans le seul intérêt de l’enfant ? On peut en douter encore plus!
Comme la performance résulte toujours de l’interaction de facteurs multiples et complexes, peut-on être sûr de bien connaître à la fois la genèse du développement de chacun d’eux et l’intimité des articulations possibles entre eux pour expliquer une part plus ou moins importante de cette performance ? Il faut donc bien se garder d’accorder une valeur rédhibitoire au résultat de l’évaluation d’un facteur isolé, même si ce dernier semble être essentiel pour la pratique d’un sport donné. Lorsque ce facteur apparaît insuffisant par rapport à la norme, il est indispensable d’examiner s’il peut être ultérieurement développé par un entraînement spécifique ou s’il peut être compensé par l’important développement d’autres facteurs avec lesquels il est en interaction. Ces mécanismes du développement non prévisible et de compensations qui interviennent dans pratiquement toute performance, rendent très difficile leur prédiction, surtout si celle-ci s’inscrit dans le long terme (26) Autre limite. Comme Fleishman et Hempel (30) l’ont bien mis en évidence (figure 1), suivant l’étape de l’apprentissage, la performance dans une tâche donnée dépend de facteurs différents et les interactions dont elle résulte peuvent évoluer en fonction des niveaux de maturation et de pratique.
Par exemple, lorsque par âge, sexe et niveau de pratique, au moyen de régressions multiples nous avons tenté d’identifier les facteurs susceptibles d’expliquer la performance en natation, différentes interactions sont apparues en fonction de l’âge et du niveau de pratique (7). Ainsi, l’interaction de VO2 max et de la taille qui apparaît fortement corrélée avec la performance chez les nageurs âgés de douze ans, perd de son importance en faveur de la force propulsive, de plusieurs indices hydrodynamiques et l’économie de nage chez les nageurs âgés de 15 et 16 ans (10).
Il est donc indispensable de tenir compte des grandes variétés interindividuelles liées à l’âge (biologiques plutôt qu’à l’âge chronologique) et à l’importance de l’entraînement antérieur à la période où est opérée la détection. En effet, de bons résultats précocement obtenus peuvent souvent être la conséquence d’une maturation accélérée et/ou d’un entraînement intensif n’offrant ensuite que des marges réduites de progrès. A l’opposé, des résultats relativement modestes pour un âge chronologique donné, peuvent apparaître comme excellents s’ils sont étudiés en regard du niveau d’entraînement et de l’âge biologique réel du jeune évalué. Dans ce cas, il serait extrêmement regrettable d’écarter définitivement ce jeune d’une éventuelle sélection ouvrant des perspectives sur du long terme.
On sait aussi que l’atteinte de la performance de haut niveau résulte de processus très individuels et, à l’image de tout grand artiste ou mathématicien de génie, chaque grand sportif construit sa performance de façon singulière et difficilement reproductible. Aussi est-il légitime de s’interroger s’il est bien sage de spéculer sur l’avenir d’un jeune à partir de la simple connaissance de quelquesunes de ses qualités apparues précocement alors que l’on ne sait pas de façon certaine comment elles vont évoluer ? C’est à ce stade que la complexité du problème se pose dans toute son acuité.
Les facteurs qui favorisent le passage d’un enfant à l’élite apparaissent tellement multiples et les observations des chercheurs spécialisés dans le domaine, si peu concluantes qu’il faut se méfier au plus haut point de ceux qui proposent un pronostic sans réserves. A ce jour, il n’existe pas de méthode connue permettant de prédire de façon précise et infaillible qui, parmi des enfants de jeune âge peut devenir le sportif exceptionnel des années futures (33). La plupart d’entre elles procèdent de l’hypothèse a priori qu’il existerait un lien de cause à effet entre des attributs repérés précocement et de façon non spécifique et les qualités hautement spécifiques liées à la performance de haut niveau à venir. Mais avec le temps, peut-on avoir l’assurance d’une stabilité de cette performance ? Stabilité absolument indispensable à la prédiction qui pourtant reviendrait à figer la performance alors que l’on sait que celle-ci évolue sans cesse au fil du temps. Il serait donc nécessaire d’envisager et de pouvoir anticiper non seulement une double dynamique, celle de l’évolution des aptitudes d’un enfant et celle de l’évolution des capacités requises par la performance des années futures mais aussi de pouvoir prédire leur coïncidence. En a-t-on les moyens ?
Plusieurs auteurs ont tenté d’identifier les aptitudes requises et les capacités susceptibles d’expliquer la performance dans plusieurs sports (7,10,12,13,15,17,21,22,32) et ont utilisé des démarches hiérarchiques, c’est à dire partant “du haut ” ou des facteurs requis par la performance pour essayer
de repérer “au plus bas ” de la pyramide, c’est à dire chez le débutant, les aptitudes en relation avec ces facteurs. Dans la plupart des cas, les hypothèses sous-jacentes à cette tâche, au demeurant très lourde à mettre en œuvre, n’ont pu être vérifiées.
Présentée avec toutes ces limites, auxquelles il convient d’ajouter les problèmes générés par une approche élitiste susceptible de laisser pour compte le sport pour le plus grand nombre, la détection apparaît comme une opération vaine, vouée à l’échec, immédiatement suspecte et à la limite condamnable. Il serait alors inutile d’en poursuivre l’analyse et la présente étude arrêterait ici !
3 – PERSPECTIVES ET TENDANCES…
D’autres alternatives sont cependant possibles. Lorsque le comportement des enfants est bien observé et évalué, force est de constater de grandes disparités entre eux. Disparités qui peuvent se manifester sous la forme d’une motricité et d’aptitudes physiques et physiologiques très nettement supérieures à celles d’enfants du même âge biologique. Au-delà de leurs simples aptitudes tous les enfants ne présentent pas non plus la même faculté d’apprentissage.
Les scientifiques et les éducateurs les plus compétents suggèrent de tenir compte du rythme d’apprentissage de chacun pour organiser une pédagogie en conséquence. A l’opposé, au nom d’une pseudo égalité pour tous, que d’aberrations ne doit-on pas entendre! Donner les mêmes chances à tous ne signifie nullement ramener tout le monde à un niveau moyen ou a fortiori, au niveau de ceux qui éprouvent le plus de difficultés. C’est par contre, permettre à chacun de progresser selon son propre rythme. En outre, pour augmenter les chances individuelles de rencontrer la ou les disciplines correspondant aux capacités et aux goûts de chaque enfant, il faudrait élargir la palette des apprentissages aux domaines les plus diversifiés, qu’ils soient intellectuels, sportifs, artistiques ou manuels. Mais l’école
seule en a-t-elle les moyens ? Une complémentarité entre l’école et son environnement s’avère donc indispensable.
Comprises et apprises à l’école, les gammes intellectuelles, musicales, artistiques, sportives…et l’harmonie de leurs articulations, devraient pouvoir trouver hors de l’école les structures familiales, culturelles et sportives susceptibles de les exercer, de les entretenir et surtout, de les développer au maximum des possibilités de chacun. Dans cette dernière perspective les meilleurs comme les moins bons méritent le même niveau d’intérêt. Ceci étant, la réalité nous prouve qu’à partir des mêmes chances données
à tous en début de scolarité, progressivement, la sélection s’opère soit naturellement, soit par le biais d’orientations, de « filières », de classes préparatoires, de grandes écoles et autres concours.
Le sport n’échappe pas à ces mêmes règles mais paradoxalement souvent avec des connotations beaucoup plus péjoratives!
Sans tomber dans les erreurs d’un déterminisme étroit, les enfants qui présentent de bonnes aptitudes physiques, physiologiques et mentales et une non moins bonne capacité d’apprentissage moteur, devraient pouvoir bénéficier aussi d’un environnement matériel, psychologique et social favorable à une pratique sportive bien conduite (3, 4, 23). En outre si de façon délibérée (25) ces mêmes enfants veulent continuer de développer leur niveau d’expertise (35), il est raisonnable de penser que leur chance de réaliser un jour une performance exceptionnelle est statistiquement augmentée. Ce qui ne signifie nullement qu’ils y accéderont à coup sûr…
Bien que non suffisantes, ces conditions s’avèrent tout de même nécessaires. En d’autres termes, plutôt qu’un pronostic aléatoire, il est souhaitable d’accompagner le développement du niveau d’expertise de ces jeunes qui souhaitent sans cesse améliorer leurs performances. Ainsi, à partir d’observations réalisées au quotidien, d’évaluations programmées à périodes régulières et de la vitesse d’amélioration de leurs performances il est possible de réaliser avec eux des pronostics à court ou à moyen terme sur des périodes n’excédant pas trois années, de mieux comprendre comment leur niveau d’expertise se
développe individuellement et ainsi, éventuellement de corriger aux moments les plus opportuns les déviations de « trajectoire » prévues.
Inspirée des travaux de Bloom (2,3,4) de Csikszentmihalyi et al.(23) et de Ericsson et al.(25) cette manière de procéder semble être celle qui offre le moins de spéculations abusives, le plus de sécurité pour le jeune et le plus d’efficacité pour sa fédération. Il n’en demeure pas moins que, afin d’éviter les prises de position, voire d’opposition, trop hâtives relevant plus du slogan que d’une réelle réflexion sur un sujet aussi complexe, il convient de bien définir préalablement les concepts “ Détection ” et “ jeune talent ” avant de se poser les deux questions incontournables: pourquoi détecter ? et comment détecter? Autrement dit sont ainsi posés les délicats problèmes de l’éthique et des techniques de la détection dont une politique sportive ne peut faire l’économie Ce n’est qu’à ce prix, qu’en toute connaissance de cause il sera alors possible de prendre une position personnelle sur cette vaste problématique.
3.1. – QUELQUES DÉFINITIONS PRÉALABLES
Depuis 1978, date à laquelle, par intérêt intellectuel personnel mais aussi à la demande de certaines fédérations sportives, nous avons entamé plusieurs études à la fois méthodologiques et expérimentales sur ce sujet, au fil des ans, nos travaux se sont enrichis de l’analyse de nombreux modèles, d’une amélioration de nos connaissances en la matière, et d’un certain recul, au point qu’aujourd’hui, nous nous permettons de proposer quelques réflexions et quelques tendances le
plus souvent assorties de définitions qui nous semblent être des préalables indispensables.
Sans entrer dans les détails exposés par ailleurs (10, 11, 12, 16, 18, 19, 32), quelle que soit la discipline, la mise en œuvre d’une éventuelle démarche visant le repérage et la détection de jeune “ talents ” doit préalablement répondre à une volonté consensuelle émanant de tous les niveaux de la pratique et de la gestion d’une fédération. Ensuite, trois conditions s’avèrent indispensables :
1- utiliser un modèle opérationnel éprouvé,
2- s’appuyer sur une organisation nationale bien structurée,
3- posséder les structures d’accueil, d’études, d’entraînement et de suivi à proposer à chaque jeune “ détecté ”.
Obtenir un consensus nécessite une information très claire sur les deux questions : pourquoi et comment détecter les éventuels talents ? En d’autres termes, afin d’éviter certains amalgames souvent caricaturaux, il convient de bien définir et légitimer tant au plan éthique que technique les
deux concepts : “ détecter ” et “ talent ”.
Pour nous, “ détecter ” est déceler l’existence de ce qui est caché afin de tenter de savoir si, parmi une grande population de jeunes pratiquants sportifs ou non, certains d’entre eux ont plus de chances d’acquérir à long terme les capacités requises par l’exercice d’un sport ou d’un groupe de
disciplines sportives envisagées au plus haut niveau (11)
Bien que les deux actions soient interdépendantes, il y a lieu de distinguer la détection du talent qui relève de procédures d’évaluation, de la formation du talent qui dépend des facteurs environnementaux : famille, école, club et structure d’entraînement dans lesquels le jeune pourra évoluer.
Un talent sportif est un sujet qui présente des aptitudes généralement très supérieures à la moyenne(*) autorisant à pronostiquer de fortes probabilités d’atteindre, à plus ou moins long terme, une haute performance dans un domaine donné… si, bien entendu, ce jeune en a la volonté et s’il rencontre les conditions les plus favorables à son épanouissement sportif
– L’état de développement des aptitudes généralement très au-dessus de la moyenne à un jeune âge donné,
– La vitesse de développement de ces aptitudes lorsqu’elles rencontrent les conditions les plus favorables ;
– Et, la motivation que manifeste le jeune pour aller le plus loin possible.
Ces trois critères indiquent que l’émergence du “ talent ” n’est jamais fortuite mais relève d’un environnement dans lequel, à un moment donné, le jeune sportif en devenir, au cours du développement de son niveau d’expertise, rencontre les facteurs les plus favorables à son épanouissement (34), ce qui l’incite à poursuivre de façon délibérée une pratique vers le haut niveau d’expertise. Ce moment et ces facteurs peuvent être très différents selon la maturation propre à chaque jeune sportif et selon les sports considérés ; aussi, il serait illusoire de penser qu’une seule opération, souvent baptisée “détection des talents ” pourrait suffire pour régler l’ensemble de ces délicats problèmes.
Tenant compte de la grande variabilité interindividuelle, plutôt que d’actions isolées et souvent non suivies, c’est un programme d’évaluations longitudinales accompagnant la pratique sportive depuis les balbutiements des premiers choix du débutant, jusqu’au plus haut niveau de spécialisation du sportif confirmé (tableau 1 placé en annexe), qu’il est indispensable de mettre en place (11, 12, 18, 19).
Ce programme devrait permettre l’étude des stratégies individuellement mises en œuvre par le sportif en devenir lui-même pour accéder aux différents niveaux d’expertise dans la perspective d’une performance exceptionnelle. Autrement dit, en aucune façon la détection ne devrait s’inscrire dans une approche uniquement hiérarchique mais envisager des étapes à court et à moyen terme permettant à la pratique délibérée du jeune sportif, les repères et les feedbacks indispensables à l’évaluation de ses progrès. Nous suggérons donc un modèle utilisant une double approche: une, hiérarchique pour fixer des points de repère sur les “ trajectoires ” susceptibles de conduire vers le haut niveau, l’autre, “ ascendante ” permettant au jeune sportif de construire et de contrôler luimême son propre niveau d’expertise à partir d’une pratique totalement délibérée.
En conséquence, par rapport aux trois étapes proposées par Bloom (3): « Initiation, Développement, Expertise », il nous semble plus adapté, dans l’organisation du sport en France, d’en envisager cinq que nous avions définies (10, 12, 16, 32) comme : Préparatoire, Début de l’entraînement, Début de spécialisation, Intensive de haute spécialisation et Haut niveau.
La nécessité d’un consensus préalable.
Conséquence des nombreux travaux réalisés avec plusieurs fédérations sportives, leurs cadres techniques, leurs éducateurs et leurs entraîneurs, nous avons acquis la conviction qu’un éventuel consensus pouvait essentiellement dépendre du niveau d’information et de formation des personnes
œuvrant au sein d’une Fédération.
Il faut avant tout que l’information demeure la plus objective possible et l’aspect éthique de la détection qui ne peut laisser personne indifférent doit être sérieusement discuté. L’élaboration de l’outil ou la participation à un programme de détection des talents ne saurait être concevable sans un parfait accord philosophique et moral de son utilisateur. Un éventuel consensus en est à ce prix, c’est pourquoi une discussion, même uniquement centrée sur les aspects techniques de l’utilisation de l’outil ne peut et ne doit éluder ce délicat et très important problème.
Suite du document :
3.3. – COMMENT DÉTECTER D’ÉVENTUELS TALENTS ?
A l’instar de nombreuses fédérations (Natation, basket-ball, football, rugby, gymnastique, triathlon:17-22), la mise en œuvre d’un plan de détection a tout intérêt à bénéficier des compétences de centres de recherche spécialisés dans ce domaine, la Cellule Recherche de la FFF à cet égard, peut parfaitement répondre à ce besoin. C’est précisément à ce niveau que la complémentarité praticiens – chercheurs s’avère très intéressante. Elaborer et utiliser un modèle fonctionnel requiert en effet non seulement une parfaite connaissance et une profonde réflexion sur la pratique considérée mais aussi une démarche expérimentale rigoureuse faisant appel à une méthodologie scientifique bien maîtrisée…
3.3.1. – Elaboration et utilisation d’un modèle fonctionnel
Dans la plupart des pays occidentaux, l’accès au haut niveau s’effectue le plus souvent par “ sélection naturelle ” à partir du fonctionnement plus ou moins efficace de la structure pyramidale correspondant à l’organisation du sport de compétition. Une telle sélection, définie comme “ passive ” (32, 34) peut encore donner de bons résultats (mais pour combien de temps ?), à condition que le nombre de sportifs formant la base de la pyramide soit très important et/ou que la
culture sportive du pays considéré soit très ancrée.
Cependant, dans ces deux cas, l’éventuel itinéraire des jeunes sportifs débutants ou en devenir vers le sport de haut niveau demeure trop aléatoire pour pouvoir être compatible avec les exigences d’une concurrence internationale de plus en plus forte. Comme peu d’individus sont capables d’atteindre un niveau très élevé de performance, en sport comme dans les arts, un “ système actif ” de détection des jeunes doit accompagner chacun des niveaux de pratique afin d’aider les plus talentueux d’entre eux à gravir, à leur rythme, les échelons les plus élevés de maîtrise du sport pour lequel ils présentent les meilleures aptitudes.
L’organisation de leur environnement peut ainsi être mieux ciblée, l’investissement en durée et en qualité de l’entraînement plus efficace et le renouvellement continu de l’élite au sein d’une fédération moins aléatoire. A titre d’exemple, à partir des statistiques issues des jeux olympiques de Séoul, derniers jeux à avoir confronté les blocs dits de l’Est possédant des systèmes actifs de détection très institutionnalisés, aux pays de l’Ouest ou du Sud ne possédant pas de système de détection aussi institutionnalisé et où la sélection s’opère de façon naturelle par le biais de la compétition. Bien que discutable, nous avons choisi comme mode de comparaison le nombre d’habitants par médaille obtenue (tableau 3).
Outre le consensus, l’efficacité d’un système actif dépend de la qualité du modèle dont il procède, du programme sportif dans lequel il est intégré et de toutes les conditions environnementales sans lesquelles il serait vain de l’envisager.